Une sorcière des temps modernes

Par Ariane Desrochers 
Publié le Vendredi 30 octobre 2009 

​Surtout, soyez sans crainte. L'herboriste Chantal Beaulieu n'a ni verrue ni chapeau pointu. Et pourtant, c'est une sorcière, ou plutôt une «sourcière» (je n'invente rien, le terme est utilisé par les herboristes entre eux). Cette agronome et nutritionniste de formation concocte des potions à partir de plantes qu'elle cultive elle-même. Je la retrouve donc en fin de journée dans son jardin à Saint-Basile-le-Grand.

À ce temps-ci de l'année, les fleurs et les feuilles dont elle a besoin ont déjà été ramassées. Il reste à déterrer les racines, celles de pissenlits en l'occurrence. «Les pissenlits, s'il y en a partout, c'est parce que tout le monde en a besoin», me lance-t-elle. D'un seul coup de fourche, Chantal déterre la motte de terre, secoue un peu et. tadam ! des racines pâles qui ont presque la grosseur de carottes apparaissent sous nos yeux. Je n'aurais jamais cru qu'il pouvait se cacher pareilles racines sous les boutons jaunes que l'on connaît. L'herboriste poursuit son enseignement : «La racine de pissenlit tonifie le système urinaire, supporte le travail du foie et aide le sang à s'épurer.» Elle me cède l'instrument et je me rends compte que ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air.

Peu de temps après, le photographe qui nous accompagne pose le pied par mégarde sur une bande de terre du jardin. Poliment, Mme Beaulieu nous commande de toujours marcher dans le sillon pour ne pas taper les surfaces destinées aux semences. Elle nous explique que la terre doit pouvoir respirer pour permettre aux plantes de pousser. Il faut en moyenne trois ans pour relever un sol compacté. Je passe le reste de la visite à bien surveiller chacun de mes pas.

Ici, le millepertuis, qui est un antidépresseur naturel léger, là la racine de guimauve (la plante médicinale et non la confiserie), plus loin, le framboisier et finalement, l'achillée millefeuille. «C'est ma préférée, confie l'herboriste. On dit que c'est la plante du bon sens.» Elle m'explique alors que l'achillée peut à la fois faire circuler un sang qui stagne et coaguler celui qui saigne trop, selon les besoins. Il s'agit d'une des premières plantes que Chantal Beaulieu a utilisées. « J'en mettais dans le bain de mes enfants pour faire baisser leur fièvre», confie-t-elle.

Bien au chaud, tisane à la main

J'apprendrai un peu plus tard, devant une tisane de calendule, d'ortie et de trèfle rouge, que cette intellectuelle sympathique n'a reçu aucun soin à l'hôpital depuis la naissance de ses enfants il y a 17 ans. Eux non plus, d'ailleurs, n'y ont à peu près jamais mis les pieds.

Avec mes questions sur les nombreuses fioles de concentré liquide rangées dans l'armoire de l'herboriste, je lui fais rater la première tisane. Une plante ne doit jamais bouillir, m'informe-t-elle.

Située en face du jardin, sa grande maison à la façade de pierre lui sert d'atelier, de salle de cours et de bureau de consultation. Mme Beaulieu a d'ailleurs démarré sa propre entreprise artisanale, Herbe de Vie, qui lui permet de vendre à ses clients les produits qu'elle fabrique.

La dame a une relation particulière avec les plantes. L'été, elle emmène ses clients dans son jardin pour leur présenter celles qui les soutiennent. «En herboristerie, les plantes supportent le corps dans son travail. Elles ne le font pas à leur place.»

L'herboriste-thérapeute définit sa profession comme l'une des seules en médecine douce qui soit aussi autonome, puisqu'elle s'approvisionne directement dans le jardin plutôt que dans un magasin d'aliments naturels.

Que pense-t-elle des inquiétudes envers le vaccin contre la grippe A (H1N1) ? La sourcière se réjouit de voir les gens se questionner plutôt que de faire la file indienne comme d'habitude pour recevoir le vaccin contre la grippe.

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